Lettre n° 136

Il est dit que "l'homme est tel l'arbre du verger"(1). Ainsi, une importante partie de l'existence humaine s'identifie, de différents points de vue, à celle du règne végétal.

Les racines correspondent à la foi, qui transcende l'intellect et la raison. Celle-ci permet à l'homme de s'attacher au lieu et la source de sa vitalité, c'est-à-dire au Saint béni soit-Il. Car, la foi est indispensable à la vie, même pour celui qui possède une profonde sagesse, de grandes connaissances de la Torah et la pratique des Mitsvot.

Le tronc de l'arbre, qui en est la partie la plus importante, symbolise la Torah et les Mitsvot. Il se développe, d'année en année. Car, celui qui dispose de moyens intellectuels limités, dont les connaissances sont modestes, n'en doit pas moins avoir une foi inébranlable. A l'opposé, la Torah et les Mitsvot doivent sans cesse se multiplier. Chaque jour doit en apporter de nouvelles et c'est précisément pour cela qu'ils ont été créés.

Il est dit que l'on doit "se rendre gracieux devant Lui" par la Torah et les Mitsvot, des accomplissements qui apparaissent clairement aux yeux de tous, dont l'intellect humain peut reconnaître la beauté. Il est également des Mitsvot qui ont de multiples aspects. Ainsi, les Tsitsits font quatre Mitsvot, le Temple en compte de nombreuses, les instruments du service, les sacrifices. Ceci peut être comparé aux branches, desquelles émanent plusieurs petites feuilles.

Mais, les fruits possèdent une valeur particulière. En effet, il y a des Mitsvot qui permettent, lorsqu'on les met en pratique, d'exercer une influence positive sur les autres. Ainsi, le commentaire de la Michna(2) explique pour quelle raison on "consomme dans ce monde les fruits" des Mitsvot accomplies envers les autres hommes. Il souligne qu'une des finalités de la création est l'influence que l'on peut exercer sur son prochain. De fait, une bonne action qu'on accomplit peut faire pousser des fruits, identiques à ce qui est à leur origine.

Le fait que la plantation soit durable dépend entièrement de la graine qui, par nature, n'a pas de goût et pas d'odeur. Tout dépend donc de la manière dont on s'adresse à son interlocuteur. Si l'on est empli de crainte de D.ieu, si l'on fait preuve d'abnégation, si l'on parle avec toute la force de sa foi, on fera pousser un grand arbre, portant beaucoup de fruits et de branches.

Certes, lorsqu'on s'adresse à l'autre, la foi reste cachée et l'on doit avoir un discours logique, tout comme le pépin est caché à l'intérieur du fruit et recouvert par son écorce. Or, le fuit et l'écorce ont bien une odeur et un goût(3). Pour autant, c'est bien l'abnégation de l'homme qui doit le conduire à parler et enflammer son discours.

Il résulte de ce qui vient d'être dit que la source de l'homme et son lien avec l'origine de son existence passe uniquement par la foi, sans aucun artifice, sans leurre et sans subterfuge. Le plus léger affaiblissement de la foi remet en cause l'existence de l'arbre, même si celui-ci est solide et grand, possède de nombreuses branches. Car, si la foi ne se marque pas dans toute son intensité, tout le reste n'est d'aucune utilité.

La finalité de l'homme est de multiplier, chaque jour, les accomplissements liés à la Torah et aux Mitsvot. Ainsi, il se développe et "pousse" en permanence, marque ce qu'il est, sa qualité et sa nature profonde. Mais, à l'intérieur du tronc, des branches et même des feuilles, s'écoule la vitalité(4) que les racines puisent de la terre, c'est-à-dire de la source des âmes juives et envoient dans les différentes parties de l'arbre pour le vivifier.

En effet, il est nécessaire pour mettre en pratique la Torah et les Mitsvot, d'éveiller en soi la force de l'abnégation, comme l'explique le Tanya. Celle-ci vivifie l'étude et les accomplissements.

Mais, au final, la mission de l'homme reste l'influence qu'il exerce sur les autres.

Avant la faute de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, tous les arbres portaient des fruits. Et ce sera également le cas, dans le monde futur.

Nos Sages enseignent que la première Mitsva est celle de la procréation. Un Juif se doit de former un autre Juif.

On peut donc considérer que l'arbre est parfait quand on voit les fruits qu'il donne, lorsqu'il produit des graines qui permettront de planter d'autres arbres.

Tel est donc l'enseignement que délivre le 15 Chevat, nouvel an de l'arbre. Le plus important est la racine, la foi. Puis, vient le tronc, haut et large, la Torah et les Mitsvot qu'il convient de multiplier. Enfin, la perfection se marque par la qualité du fruit et de la graine. Lorsque l'on fait du bien à son prochain, on prend la responsabilité de son propre mérite et même du mérite public. On obtient ainsi toute la plénitude souhaitable.

Notes

(1) Ceci est une seconde version de la lettre précédente.
(2) Du Rambam.
(3) A la différence des pépins.
(4) La sève.