Lettre n° 126

Par la grâce de D.ieu,
24 Tévet Je fais réponse à votre lettre du 20 Tévet(1):

A) Citant le traité Baba Kama 9b, vous indiquez qu'une meilleure façon d'accomplir la Mitsva pourrait être celle qui lui ajoute un tiers(2) et la meilleure façon, ce qui permet de dépasser ce tiers, une récompense particulière étant alors accordée par D.ieu.

A mon humble avis, cette conclusion n'est pas exacte, comme je le disais dans ma lettre précédente. En effet, aucune référence talmudique n'introduit une distinction comparable à celle qui existe pour les lumières de 'Hanouka. Nous ne pouvons donc pas définir plusieurs catégories, de sorte que moins d'un tiers et plus d'un tiers appartiennent bien à la même et sont, l'un et l'autre, déduits du même verset "Il est mon D.ieu et je veux être gracieux devant Lui" par l'accomplissement des Mitsvot.

Ainsi, nous avons vu que l'on détermine cinq catégories d'huiles pour les offrandes. Nous n'en déduisons pas qu'il y a cinq façons d'accomplir la Mitsva et il en est de même pour toutes les autres Mitsvot, comme je le signalais dans ma lettre précédente.

On s'acquitte donc de l'obligation d'apporter de l'huile pour les offrandes en prenant la meilleure dont on dispose. Et, il en est de même pour la référence que vous citez dans le traité Baba Kama. Celle-ci demande, lorsque l'on doit accomplir une Mitsva, de prendre le meilleur de ce que l'on possède, même si cela conduit à rajouter moins d'un tiers.

Il n'en est pas de même pour les lumières de 'Hanouka. Pour ce qui les concerne, celui qui veut accomplir la Mitsva d'une meilleure façon n'est pas tenu de choisir la façon la meilleure, puisqu'il s'agit de deux catégories différentes.

Le traité Baba Kama fait une différence entre moins d'un tiers et plus d'un tiers pour déterminer si l'homme doit recevoir une récompense de son vivant, mais non pas pour savoir comment il s'acquitte de son obligation. C'est également l'avis du Rachba.

On peut, néanmoins, s'interroger sur le commentaire de Rabbénou 'Hananel, qui semble introduire cette distinction également pour ce qui concerne la stricte obligation imposée par la Torah.

Bien que, dans son commentaire du traité Baba Kama, Rabbénou 'Hananel cite l'exemple des lumières de 'Hanouka, on ne peut penser qu'il entend définir, ici aussi, une meilleure façon et la façon la meilleure. Du reste, il donne une seconde explication établissant que ce n'est pas le cas.

Il ne fait donc qu'illustrer le propos de la Guemara, sur le fait de mieux accomplir la Mitsva.

A ma connaissance, il n'y a pas d'autre passage du Talmud Babli évoquant une meilleure application de la Mitsva.

B) Vous vous demandez si les fruits de la Mitsva de la bienfaisance sont consommés dans ce monde, dès lors que l'on a strictement appliqué la loi ou bien seulement lorsqu'on l'a fait de la meilleure façon.

La première interprétation est la bonne.

C) Vous assimilez ces fruits consommés dans ce monde à l'apport, pour D.ieu, d'une Mitsva accomplie de la meilleure façon. Ce n'est pas exact et il faut les distinguer pour les raisons suivantes:

1. Ces fruits ne sont pas nécessairement consommés dans le domaine où la Mitsva a été accomplie. Ainsi, celui qui consacre son argent à honorer ses parents ne reçoit pas la certitude que sa perte financière sera comblée. Car, de cette Mitsva d'honorer ses parents, il est uniquement dit: "afin que tu connaisses le bien".

Certes, le traité Kiddouchin 31a raconte que Dama Ben Natina reçut, l'année suivante, tout l'argent qu'il avait perdu. Cela ne veut pas dire que ce soit systématiquement le cas et, de fait, le verset dit seulement: "afin que tu connaisses le bien".

A l'opposé, la Mitsva est accomplie de la meilleure façon pour D.ieu, Qui comble donc la perte financière pouvant en résulter. Ainsi, la promesse en est faite pour les dépenses du Chabbat, des fêtes ou celles qui ont pour but d'assurer l'étude de la Torah des enfants, comme le précise le Talmud.

2. Dire que la Mitsva est accomplie de la meilleure façon implique uniquement que D.ieu comble le manque(3) créé de la sorte(4), c'est-à-dire la dépense engagée.

A l'opposé, la consommation des fruits dont parle la Michna apporte la vie, la justice et l'honneur. Il en est de même pour toutes ces Mitsvot. En pareil cas, les fruits sont beaucoup plus nombreux que l'effort investi(5).

De plus, assimiler ces fruits à la part qui est donnée à D.ieu soulèverait une difficulté pour comprendre les Tossafot, dans le traité Baba Kama, qui demandent clairement de les distinguer.

Il faut en conclure que les fruits n'ont d'autre but que de combler le manque causé par l'accomplissement de la Mitsva, dont le capital reste conservé pour le monde futur. Ceci permet aussi d'exclure la seconde explication de Rabbénou 'Hananel, selon laquelle la part de D.ieu n'est pas directement liée à la récompense de la Mitsva. Les Tossafot, à cette référence, ne font donc que citer la Michna.

Cette interprétation des Tossafot permet de déduire deux précisions:

1. Dans le traité Kiddouchin, il est dit que ces fruits sont accordés seulement pour les Mitsvot accomplies envers d'autres personnes, alors que la Mitsva du cédrat, par exemple, est mise en pratique pour D.ieu.

2. De plus, la liste que dresse la Michna de ce qui procure des fruits dans ce monde est exhaustive, comme le disent les traités Chabbat et Kiddouchin. Or, elle ne mentionne pas l'accomplissement de la Mitsva de la meilleure façon, pour plus d'un tiers.

Notes

(1) Qui était elle-même une réponse à la lettre précédente.
(2) De plus que la stricte obligation. Ainsi, le montant devant être donné à la Tsédaka sera augmenté d'un tiers.
(3) Par exemple, financier.
(4) Mais non qu'Il accorde une récompense.
(5) Et, il s'agit donc bien d'une récompense.